Une brève du Science & Vie de septembre 2006 a fait retentir la sirène d’alarme du système de veille permanente du Laboratoire de biologie de l’espace appliquée, section « pieuvres ».
« Les mollusques comptent un nouvel ancêtre. Odontogriphus, littéralement "énigme dentée", vient enfin de livrer son secret ! Cet organisme à corps mou, qui rampait sur les fonds marins il y a 500 millions d’années, serait en fait le plus vieil ancêtre connu des mollusques. [...] De nouveaux fossiles très bien conservés ont permis à des paléontologues canadiens de discerner la présence d’une radula, langue munie de rangées de dents, spécifique des mollusques. »
« Énigme dentée », « langue munie de rangées de dents », passé l’effroi et le choc initial devant un tel tableau, l’animal au nom de film d’horreur intrigue et attire l’attention, car l’ancêtre des mollusque est aussi celui des pieuvres. Ayons toujours en tête que l’étude des pieuvres de la Terre – seul cas documenté de présence de pieuvres sur une planète – nous permet de mieux cerner l’étendu des possibles (dont notre esprit ne pourra jamais entrevoir qu’une part infime) en ce qui concerne les pieuvres de l’espace. Un livre du paléontologue Stephen Jay Gould (La vie est belle, éditions du Seuil, 1991 – 1989 pour l’édition originelle en USAméricain) nous décrivait la créature :
« Odontogriphus n’est pas un fossile en bon état de conservation, et on ne peut y distinguer beaucoup de structures. Celles qui se laissent apercevoir sont vraiment étranges. Il s’agit d’un animal de 6 cm de long, ovale, allongé, extrêmement aplati, et présentant à l’arrière de sa région frontale toute une série de fines lignes parallèles transversales, espacées d’environ 1 mm. [...] On ne peut apercevoir que deux structures bien nettes sur le corps, toutes deux sur la surface ventrale et du côté de l’extrémité céphalique. [...] Le trait le plus intéressant [est] probablement une bouche entourée d’une sorte d’appareil alimentaire [...]. Cette structure a la forme d’un U légèrement creux écrasé et s’ouvrant vers l’avant. Le long de ce dessin en forme de U, Conway Morris identifia vingt-cinq "dents" - petites structures coniques pointues [...]. Ces dents étant beaucoup trop petites et fragiles pour mordre ou fonctionner ensemble [...], il fit l’hypothèse raisonnable qu’elles devaient servir à soutenir la base de tentacules, lesquels entouraient la bouche en anneau [...] » [pages 187 et 188 de l’édition de poche]
Simon Conway Morris, alors jeune étudiant de Gould, fut le premier à décrire Odontogriphus en 1976. Gould le décrit dans La vie est belle comme un « radical » plutôt marginal et underground « portant une cape et ne venant pas prendre le café le matin ». Les gens qui portent des capes, c’est bizarre. Comme quoi l’étude des pieuvres recèle de riches surprises. Gould raconte qu’à étudiant marginal fut confié l’étude d’un fossile marginal, celui que Conway Morris nomma Odontogriphus.
Dans La vie est belle, un dessin représente l’animal. Hé ben, croyez-le ou pas, la bête (plate) ressemble à... une langue humaine ! Celui qui aujourd’hui est identifié comme le plus vieil ancêtre connu des mollusques en général n’évoquait pas trop une pieuvre. Normal, pensez à l’allure de notre ancêtre de l’époque (celui des vertébrés), peut-être une sorte de vers d’après ce qu’en disait Gould dans le même livre... Mais, on l’a mis en jaune dans l’extrait, une « extrémité céphalique » et des « tentacules » sont évoqués. Les premières ébauches, quoi. À l’époque, en 1976, l’animal n’était pas identifié comme étant un mollusque. Cela semble désormais être le cas.
La consultation du Règne animal (encyclopédie Gallimard, 2002) confirme, dans son chapitre « mollusques », la présence de la radula chez les pieuvres, nouvelle qui, avouons-le, nous a un peu secoués moralement (on imaginait plutôt les pieuvres juste pourvues d’un « bec » édenté fait de cartilages... et pas aussi d’une langue couverte de dents !).
« Carnivores, les céphalopodes se servent de leurs tentacules, souvent munies de ventouses, pour capturer poissons et crustacés. Ces animaux au psychisme assez développé sont de redoutables chasseurs. Outre la radula, ils ont aussi un bec leur permettant de démembrer leurs proies. [...] Les milliers de petites dents crochues constituant la radula servent de râpe pour arracher les particules de matière organique. »
Image de Tiswango.
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En dehors de la radula, nous remarquons plusieurs choses intéressantes. 1°/ La présence de ventouses n’est pas « obligatoire » puisque « souvent munis de ventouses » implique que ce n'est pas toujours le cas. Il ne faut donc pas s’attendre à en trouver systématiquement chez les pieuvres de l’espace. 2°/ les céphalopodes (donc les pieuvres) ont un « psychisme assez développé ». Pour bien mesurer l’importance de cette expression, il faut savoir que, dans Le règne animal, livre de 623 pages, les mollusques n’apparaissent qu’en page 538, dans le chapitre « embranchements mineurs » (c’est une honte !), entre les vers et le groupe des insectes et des araignées. Soit, relégués à la fin du livre entre deux catégories d’animaux que les gens, en général, n’apprécient guère. Nous n’avons donc pas affaire ici à un bouquin très octopophile militant ! (Octopophile. Qui aime les pieuvres - dans le sens émotionnel. De « octopus », nom latin d’un genre - terme zoologique qui regroupe plusieurs espèces -, ici de pieuvres, par exemple Octopus vulgaris, le poulpe commun.) Bien au contraire, les auteurs semblent dégouttés par les pieuvres (ils ont peut-être trop entendu la navrante expression « pieuvre mafieuse ») et ont tout fait pour que le lecteur ne lise pas le peu de place qui leur est consacré. Donc, le « psychisme assez développé » l’est en réalité probablement plus qu’il n’est dit dans Le règne animal. Il paraît raisonnable de penser que les pieuvres de l’espace sont donc souvent très développées intellectuellement, et, n’en doutons pas, pour une large part, plus futées que nous autres, singes dominants de la Terre. Vous devez faire attention à ne pas mal le prendre ! Cela rend les pieuvres de l’espace d’autant plus fascinantes et attrayantes !
La pieuvre terrestre descendrait donc, si l’on remonte 500 millions d’années dans le temps, d’un être de quelques centimètres de long en forme de langue muni d’une « langue dentée ». Pour des créatures « molles », dépourvues de squelette, c’est bien d’avoir réussi à comprendre ça ! Cela nous permet aussi de réaliser que, chez les pieuvres de l’espace, céphalopodes dépourvus de coquilles, la recherche des origines doit être plus difficile que pour nous. La paléoctopologie – l’équivalent pour les pieuvres de la paléoanthropologie, la science des origines de l’humanité, – doit être, quelque soit l’intelligence des pieuvres de l’espace, une discipline coriace à aborder. À l’opposé de nous, les vertébrés, il n’y a quasiment rien qui se fossilise dans un organisme de pieuvre ! Le bec cartilagineux, la radula, et c’est tout ! Les pieuvres de l’espace doivent avoir les plus grandes difficultés à comprendre leur préhistoire, surtout pour ses périodes les plus reculées, avant l’émergence de comportements techniques et culturels : les outils, l’art, les campements, les traces archéologiques d’activités « pieuvresques » qui exigent un comportement symbolique et cognitif sophistiqué.
Il s’ensuit probablement de grands « ? ? ? » qui fait que, dans leur psychisme, les pieuvres de l’espace sont bien plus en quête d’elle-mêmes que nous, les singes humains. Elles doivent se poser de sacrées questions sur leur nature. Ne croyez pas que cela soit un inconvénient ! Bien au contraire ! Leurs grandes interrogations peuvent avoir un effet stimulant. Les philosophies céphalopodes doivent atteindre des sommets hors de vue pour tout vertébré, aussi malin soit-il. À force de se chercher, elles ont plus de possibilités de trouver quelque chose. Leurs mentalités, moins figées dans des certitudes délétères, sont aussi moins susceptibles de sombrer dans les dogmes et les superstitions. Il y a de grandes chances que les pieuvres de l’espace n’aient pas inventé le concept de « Dieu », ou l’aient très vite abandonné. Certains dirons que, justement, l’absence de certitudes implique un besoin de dogme afin de ne pas laisser un vide aux grandes questions existentielles : d’où vient-on ? etc. Ce serait tenir les pieuvres de l’espace dans une bien piètre estime, et cela impliquerait que la compréhension des mécanismes évolutifs dont nous sommes issus – plus facile pour nous – auraient dû faire disparaître dieu de la Terre, ce qui est loin d’être le cas ! L’actualité nous le montre tous les jours.
Nous ne pouvons pas écarter le scénario de quelques variétés de pieuvres de l’espace aussi primitives et bigotes que les humains, mais nous ne devons pas non plus leur imposer un chemin psychologique parallèle au notre. Après tout, les pieuvres de l’espace ne sont peut-être pas gênées par un « vide » devant une absence d’explications compréhensibles. Elles peuvent très bien être plus chercheuses et fouineuses que nous. Les humains comblent souvent ce vide avec des superstitions, peut être que les pieuvres, elles, en font une stimulation fertile en recherches et en idées nouvelles ! Les pieuvres de l’espace, en quelque sorte, reconstruiraient en permanence leurs concepts, idées et, par rebonds, leurs sociétés.
Le fait que même un encyclopédie animale qui relègue nos pieuvres terrestres dans une catégorie négligeable qu’elle nomme des « embranchements mineurs » leur reconnaisse un « psychisme assez développé » alors qu’elles n’ont pas réussi à dominer notre planète (ce ne sont donc pas les pieuvres les plus élaborées de l’Univers, ou alors, ce sont les moins chanceuses) nous incite à valider notre hypothèse « pieuvres curieuses et philosophes ».
Ce site, « Les fabuleuses pieuvres de l'espace », est une émanation du Site pataginaire qui, aux côtés des pieuvres de l'espace, évoque divers sujets. Les textes sur les pieuvres y figurent avec une autre présentation dans la rubrique pieuvres de l'espace. Nos recherches nous ont appris que les pieuvres de l'espace ont atteint un degré d'ontologie tel qu'elles méritaient bien qu'un site leur soit entièrement consacré.